En France, aucun accident nucléaire majeur n’a été à déplorer en plus de trois décennies. Mais on est passé près de la catastrophe à la centrale nucléaire du Blayais en Aquitaine, inondée par l’estuaire de la Gironde lors de la tempête de décembre 1999, ce qui aurait pu nuire au refroidissement du réacteur… comme à Fukushima. photo P GOIFFON
En France, aucun accident nucléaire majeur n’a été à déplorer en plus de trois décennies. Mais on est passé près de la catastrophe à la centrale nucléaire du Blayais en Aquitaine, inondée par l’estuaire de la Gironde lors de la tempête de décembre 1999, ce qui aurait pu nuire au refroidissement du réacteur… comme à Fukushima. photo P GOIFFON

L’accident nucléaire majeur de la centrale de Fukushima au Japon, suite au séisme de magnitude 9 et au tsunami qui ont dévasté l’archipel le 11 mars dernier, a complètement relancé le débat sur l’avenir du nucléaire civil en Europe, et particulièrement en France. Dans ce contexte, le 25e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl a dans l’Hexagone une résonance particulière. 
Le 18 avril, plusieurs militants écologistes ont ainsi entamé à Colmar une grève de la faim tournante pour obtenir la fermeture définitive de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin) et demander une sortie du nucléaire d’ici dix ans. Quant au réseau « Sortir du nucléaire », il a organisé du 2 au 26 avril environ 260 actions et manifestations dans le cadre de la quatrième édition du « Chernobyl Day », étalée cette année sur plusieurs semaines. Le week-end pascal a notamment été marqué par une soixantaine de rassemblements devant des centrales nucléaires ou des lieux emblématiques dans les villes.

Un débat d’autant plus animé que la France est le pays le plus nucléaire au monde. Deuxième derrière les Etats-Unis en nombre de réacteurs – 58 répartis sur 19 sites –, l’Hexagone est également le leader mondial de la part du nucléaire dans la production d’électricité (plus des trois quarts). En outre, ce sont deux entreprises françaises, Areva et EDF, qui sont les leaders industriels du secteur. Cet engagement nucléaire, datant de plus de 30 ans, a été renouvelé il y a un an par Nicolas Sarkozy qui a salué la « renaissance » du nucléaire civil.


Aucun accident nucléaire majeur n’a été à déplorer en trois décennies. La conception des centrales en France s’appuie sur le risque de catastrophes naturelles (crues, inondations, séismes,…) en fonction de l’historique de la zone concernée. Les centrales sont ainsi étudiées pour résister au risque maximal constaté sur le dernier millénaire, augmenté d’une marge de sécurité. Un retour est également réalisé après chaque incident, et des modifications sont apportées aux centrales, quand cela s’avère nécessaire. 
Ce qui a fait dire, il y a une quinzaine de jours, à Henri Proglio, président d’EDF, que « nos centrales sont en excellent état ». D’autant que l’ensemble du parc nucléaire français va faire l’objet cette année d’un audit de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cette dernière se prononcera fin 2011 sur l’état de sécurité des centrales françaises.
Mais les propos du président de l’unique producteur d’électricité nucléaire dans l’Hexagone ont malgré tout suscité la controverse sur la sûreté réelle des réacteurs français. Plus que le risque sismique, c’est celui d’inondation qui est considéré par les experts comme le plus probable dans notre pays. Or, l’incident de la centrale nucléaire du Blayais en Aquitaine, inondée par l’estuaire de la Gironde lors de la tempête de décembre 1999, a montré que la France n’était pas bien préparée au déchaînement d’éléments naturels. Un mètre d’eau supplémentaire au Blayais aurait pu nuire au refroidissement du réacteur… comme à Fukushima. André-Claude Lacoste, président de l’ASN, a d’ailleurs lui-même reconnu après l’accident de la centrale nippone que la France n’était pas préparée au « cumul » de catastrophes naturelles.

Des prises de positions au-delà des clivages politiques
Les positions politiques se sont multipliées ces dernières semaines sur ce dossier. C’est l’éventuel candidat à l’élection présidentielle, Nicolas Hulot, qui s’est exprimé le premier en sortant de son chapeau la proposition d’un référendum sur la question. Une position qui n’est pas partagée par Europe Ecologie-Les Verts (EELV), dont il pourrait pourtant défendre les couleurs lors de la prochaine présidentielle. Le mouvement écologiste plaide en effet pour « une sortie progressive du nucléaire », sans improvisation. Un abandon qui est intégré dans le projet pour 2012 d’EELV. 
Une position qui est aussi celle du Parti de gauche ouvertement favorable à la sortie du nucléaire. Quant au Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), il est encore plus engagé en réaffirmant « son opposition au nucléaire civil et militaire ». 
Le PCF, à l’instar des syndicats comme la CGT, ne s’est en revanche jamais prononcé contre le nucléaire pourvoyeur de dizaines de milliers d’emplois. Si le parti « mesure l’inquiétude » soulevée en France par la catastrophe japonaise, il juge que « bien des prises de positions actuelles sont pour le moins prématurées ». Et le PCF de plaider pour l’organisation d’un grand débat public national qui « contribuerait à fixer les conditions précises de la nécessaire évolution du mix énergétique ». 
De même, le porte-parole du PS, Benoît Hamon, juge qu’il n’y a « pas d’urgence » pour un référendum. Sur le fond, le PS estime que le nucléaire est « inévitable aujourd’hui » même si « sa part sera progressivement réduite grâce à l’accroissement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique ».

Au Modem, pas de remise en cause non plus sur le fond du nucléaire. François Bayrou demande « la transparence absolue sur les facteurs de risques » nécessité pour « que les populations soient rassurées en face des centrales ». Démissionnaire du parti centriste il y a un an, Corinne Lepage, l’ancienne ministre de l’Ecologie à la tête de Cap 21, réclame pour sa part « un débat global sur les coûts et les avantages à relancer le nucléaire ».
Enfin à l’UMP, l’heure est à l’union sacrée. Comme l’a souligné le secrétaire général, Jean-François Copé, « en aucun cas » le drame de Fukushima ne doit remettre en cause « les choix stratégiques » du pays. « Je ne crois pas qu’on puisse et qu’on doive se passer du nucléaire », a indiqué pour sa part la ministre de l’Ecologie, Nathalie Kosciuko-Morizet.