Par Yann Riché (son site) et sur Agoravox mercredi 1er juin 2011

Bonne nouvelle pour le nucléaire français, l'Allemagne va arrêter de produire de l'électricité d'ici 10 ans, une révolution pour ce pays industriel dont le mix énergétique semble relativement bien équilibré en terme de sources de production (25 % en nucléaire, 18% en ENR et 40% en charbon) mais fortement émetteur de GES (charbon et lignite). 

Mais Fukushima, après Tchernobyl aura fini d'assommer les Allemands qui ont une peur atroce de l'Atomkraft. Sept réacteurs déjà arrêtés le tout compensé par l'importation de l'électricité via entre autre la France ce qui est bon pour notre balance commerciale.

Donc, pour les Français deux opportunités, d'une part ils y voient la possibilité d'exporter de l’électricité en Allemagne et de l'autre, la sûreté nucléaire française serait tellement supérieure qu'elle va bénéficier des accidents pour mieux vendre chèrement sa technologie à la Chine, l'Inde etc.

En 2010 la production d'électricité française est ainsi répartie (source RTE / Wikipedia)

·         Nucléaire : 407,9 TWh - soit 74,1%

·         Hydroélectrique : 68 TWh - soit 12,4%

·         Thermique à flamme : 59,4 TWh - soit 10,8%

·         éolienne : 9,5 TWh - soit 1,7%

·         autres énergies renouvelables : 5,5 TWh - soit 1%

Total : une production de 550,3 TWh en 2010 

La dépendance au nucléaire est évidente, d'autant plus évidente que le nucléaire est une filière intégrée qui compte 58 réacteurs répartis en bord de fleuves ou de mer sur 19 centrales.

La production électrique française est excédentaire et la fierété française est évidente : c'est une industrie de pointe compétitive qui permet d'exporter d'une part des usines d'autre part de traiter des déchets et enfin d'exporter du courant.

Le Sénat précise en quelques chiffres les bienfaits du nucléaire dans un rapport publié sur son site http://www.senat.fr/rap/l97-4392/l97-439226.html : 

"On connaît moins, en revanche, l'ampleur de ses investissements (800 milliards de francs depuis 20 ans), l'importance de sa recherche, de sa valeur ajoutée (104 milliards de francs en 1994), du chiffre d'affaires de ses entreprises (environ 205 milliards de francs au total) ou le poids de ses exportations dans notre balance commerciale (32 milliards de francs en 1996). Enfin, et ce n'est pas le moindre, son rôle dans l'emploi est majeur : en effet, environ 100.000 personnes travaillent directement dans le secteur nucléaire et ce dernier fournit, en outre, 100.000 emplois indirects."

Pour certaines communes le nucléaire est l'industrie qui fait vivre l'ensemble du bassin d'emploi et même si dans le temps le démantèlement des centrales sera source de travail la fin du nucléaire pose réellement problème pour les politiques car une telle transition ne pourra pas se faire en 5 ou 10 ans mais sans doute sur une vingtaine d'année. 

En effet la France avec son prix de l'électricité à 11 centimes du kW est le pays où le consommateur paye le moins cher son courant. Du consommateur à l'électeur et de la facture à l'urne il n'y a qu'un pas qui peut être fatal pour se faire réélire.

Pourtant l'élection présidentielle devrait permettre tous les 5 ans de remettre sur le tapis l'évolution de la politique énergétique française pour tenter de résoudre cette problématique : 

·         un accident majeur a eu lieu tout les 25 ans environ alors que le nombre de centrales était faible. Le facteur humain y est fortement présent car chaque catastrophe correspond à un scénario sur lequel aucune procédure n'est mise en place.

·         Les menaces d'incident ou d'arrêt seront de plus en plus forte avec l'augmentation des phénomènes naturels de type inondation ou sècheresse (empêchant le refroidissement des réacteurs) d'où le besoin d'évaluer ses problèmes dès aujourd'hui

·         la gestion des déchets et des sites accidentés (Tchernobyl et Fukushima en particuliers) se fait sur la durée et hors du temps "humain". Ainsi le risque que des pollutions surviennent en profondeur dans le sol et les nappes phréatiques s'accroit avec le temps et l'oubli, transférant le risque sur nos petits enfants.

·         Les mines d'uranium ont été arrêtées en France en partie à cause des contamination qu'elles laissent. nous avons transférer les risques au Niger et comme ce n'est pas chez nous nous fermons les yeux sur les conditions d'exploitation de ces mines... Est-ce responsable ?

·         La menace de faire perdre 200.000 emplois à l'industrie mobilisera nombre de lobbying contre l'arrêt du nucléaire sur le long-terme (mobilisation des députés et maires pour motifs économiques) comment alors accompagner sérieusement les communes et région touchées pour qu'elles acceptent de fermer leur centrale ?

·         Par quoi remplacer le nucléaire, le débat sur les éoliens (et je le vis dans ma commune) et autres énergies est tronqué d'une part par les partisans du nucléaire qui à raison disent que les centrales suffisent à nos besoins et d'autre part des riverains victimes du Not In My Back Yard... y compris les riverains du offshore ! Le solaire certes pour les périodes les plus ensoleillées, le gaz de schiste pourquoi pas sous conditions draconiennes... Les centrales de biomasses ont l'inconvénient paraît il de créer des odeurs....

·         Par ailleurs le besoin en électricité ne va pas diminuer et les énergies primaires vont encore être fortement utilisées par nos voisins il est donc utile de combiner la mise en place de nouveaux centres de production renouvelable et le nucléaire pour faire émerger une industrie nouvelle...

Le problème ne peut donc pas être pris de façon partisane mais bien de façon responsable. Indéniablement les risques augmentent avec le temps, indéniablement notre dépendance au nucléaire doit nous amener à changer d"attitude. Le débat ne fait que commencer.