Laurent Pinsolle - Blogueur associé Marianne 31 mai 2011
Bien sûr, les perdants de 2005 ont pris leur revanche avec le traité de Lisbonne, copie quasi conforme du traité rejeté par les peuples. Mais l’impasse dans laquelle ils nous ont mise, pourrait bien hâter la fin de cette Europe supranationale et néolibérale.
LE RÉVEIL DES CONSCIENCES COMMENCE
Bien sûr, aujourd’hui, les Grecs et les Espagnols n’ont pas encore vraiment
compris le rôle de l’euro dans les malheurs qu’ils traversent. Ils ne veulent
pas mordre la main qui les a nourris si longtemps, comme je l’avais annoncé dès
février 2010. Mais les manifestations à répétition à Athènes et le récent
mouvement madrilène montrent que les choses pourraient bien
évoluer : les peuples en ont assez de l’austérité et de la régression sociale
et le discours des officiels évolue.
Les pays de la périphérie de l’Europe sont un peu dans la même situation que l’Argentine de 1998 à 2001. Le lien entre
le peso et le dollar était à l’origine populaire car il avait permis de casser
l’hyper inflation qui minait le pays dans les années 1980. Du coup, le pays
avait accepté plusieurs années d’austérité, de régression économique, de hausse
du chômage et de la pauvreté comme le prix à payer pour sauver cette forme
d’union monétaire qui n’est pas sans rappeler l’euro.
Mais à un moment, la souffrance économique et sociale a provoqué une révolte
populaire et une instabilité politique qui a fini par déboucher par un abandon
du lien entre peso et dollar, une dévaluation de plus de 70% et un défaut sur
la dette. Après une première phase difficile, le pays a vivement
rebondi, enregistrant une croissance de plus de 7% en 2003, 2004 et
2005, qui a continué depuis et qui a permis de retrouver croissance et emploi,
et ainsi faire baisser la pauvreté.
Jusqu’à quel niveau de souffrances, de régression économique et sociale
faudra-t-il descendre pour que la Grèce ou un autre pays décide d’abandonner la
monnaie unique et de recourir aux mêmes ingrédients ? Le pillage programmé de
la Grèce avec le plan massif de privatisations pourrait bien être le
déclencheur d’une révolte populaire contre ce qui se rapproche d’une occupation
économique, comme le soutient Jean-Luc Mélenchon dans son papier
consacré au 29 mai.
NOUS AVONS PERDU LA REVANCHE, NOUS GAGNERONS LA BELLE
ertains ont voulu utiliser l’économie à des fins politiques. Quelques
fédéralistes expliquaient il y a vingt ans que la monnaie unique était un moyen
d’imposer à des peuples européens réticents de se construire sur un modèle
fédéral et que la facture serait présentée dans un second temps. C’est ce à
quoi on assiste depuis un peu plus d’un an, avec le plan de soutien aux
créanciers de la zone euro, le projet d’euro-obligations ou les propositions de
mise sous tutelle des budgets.
Mais aujourd’hui, l’intégration européenne est synonyme de régression
sociale. La crise a montré que ce sont les grands pays qui peuvent
aujourd’hui véritablement décider et plus aucune nation ne semble véritablement
motivée par plus d’intégration. Mieux, les pays qui se voient imposer des
politiques sauvages d’austérité et qui sont littéralement mis sous la tutelle
du FMI, de la BCE et de la Commission devraient changer de perspective sur la
construction européenne.
Bref, tous les éléments sont aujourd’hui réunis pour une crise majeure de cette
Union Européenne, et sans doute une déconstruction rapide, à l’occasion d’une
sortie d’un pays de l’euro, qui entrainerait invariablement le détricotage
rapide de cette monnaie unique qui ne peut pas marcher.
Et en faisant table rase des traités antérieurs, il y a fort à parier que c’est
une conception radicalement différente de l’Europe qui l’emporterait, celle
d’une coopération d’Etat-nations.