Le Monde 30/05/2011

Au-delà des positionnements tactiques ou idéologiques, il existe quatre raisons possibles pour fermer plusieurs centrales nucléaires en 2012. 

Deux relèvent d’éléments conjoncturels liés au parc nucléaire, deux relèvent de considérations de politique industrielle et économique.

Du coté du parc nucléaire deux éléments rendent possible la fermeture de plusieurs centrales dès 2012.

Tout d’abord EDF va mettre en ligne en 2012-2014 quasiment l’équivalent de « quatre tranches 900MW » avec l’entrée en service de l’EPR 1600 MW à Flamanville et la « récupération » de deux tranches 900MW du site du Tricastin suite à la fermeture et au remplacement de l’usine Eurodif qui «consommait » entièrement la production de ces deux centrales.

En parallèle, de très nombreuses centrales construites au début des années 80 abordent le « mur des 30 ans » pour lesquelles elles doivent faire l’objet de coûteux travaux de prolongation de durée de vie d’un montant 500 Millions d’euros chacune. On peut bien sur citer les cinq plus anciennes dites contrat CP0 qui ont été mises en service avant 1980 dont Fessenheim en Alsace, qui fait l’objet d’une forte contestation politique et présente plusieurs faiblesses techniques et le site du Bugey dans l’Ain. Pour autant si l’arrêt de Fessenheim semble probable, le choix des centrales à fermer peut intégrer d’autres paramètres. En particulier il pourrait être préférable de fermer des centrales dont les travaux de rénovation n’ont pas commencé.

Si l’on se place du coté des arguments de politique industrielle et économique on peut également identifier deux motivations fortes.

Le contexte « post Fukushima » ouvrent les conditions politiques dans l’opinion pour proposer une alternative dans la politique industrielle française de l’énergie et valider en France à grande échelle la possibilité d’une transition du nucléaire vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, moteur d’une renouveau tissu industriel du pays.

Par ailleurs le contexte économique reste faiblement créateur d’emplois et un « grand Programme de Petits Travaux énergétique » créateur d’emplois nombreux et à forte valeur ajoutée pourrait faire sens dans le contexte économique de 2012

A quoi pourrait ressembler un tel « grand programme de petits travaux ». Si l’on se base sur l’hypothèse de la fermeture de cinq centrales 900MW et leur remplacement des sources d’énergies renouvelables et des programmes d’efficacité énergétique cela pourrait par exemple représenter l’installation de 3000 à 5000 éoliennes sur terre et en mer, de 3000 à 5000 centrales a biomasse énergie qui présentent le double avantage d’être très économiques et de générer beaucoup d’emplois locaux, la pose de 5000MW de panneaux solaires photovoltaïques, essentiellement sur des toitures, avec un impact immédiat important en terme d’emploi et enfin la pose des cinq premiers millions de compteurs électriques intelligents pour provoquer une baisse immédiate - jusqu’à 15% - de la consommation d’électricité des ménages.

L’ensemble des ces travaux semble impressionnant mais ils sont comparables à ce qui se fait régulièrement en Espagne et en Italie et représentent moins de la moitié des programmes allemands. Le risque technique est nul puisque l’ensemble représente à peine 7% de la puissance totale installée soit un niveau qui ne modifie pas les équilibres du réseau électrique.

Le coût de tels travaux serait d’environ 25 milliards pris initialement en charge par des investisseurs privés, banques et fonds d’investissement. Dans un deuxième temps le coût pour la collectivité et le consommateur final serait dans les conditions actuelles de tarifs de rachat, de 3 à 4 milliards d’euros par an, qu’on comparera avantageusement à quelques récents cadeaux fiscaux dont l’impact sur l’emploi est bien moindre . En effet à court terme pendant la période de travaux ce plan créerait 255000 emplois, qu’on peut comparer aux 300000 « emplois d’avenir » du programme du Parti Socialiste, puis 45000 emplois permanents, décentralisés et à haute valeur ajoutée.

David Dornbusch

Président de Cleantuesday, l’association française des Cleantech

Expert en politique énergétique du Parti Socialiste