C'est jouer à l'apprenti sorcier, c'est choquant, irresponsable, scandaleux." C'est ce qu'affirme lundi 8 mars à Nouvelobs.com Charlotte Mijeon, porte-parole de Sortir du nucléaire, à propos des documents confidentiels obtenus par une source anonyme interne à EDF, publiés par le réseau, et qui pointent le risque d'"accident de type Tchernobyl" que fait courir le réacteur de troisième génération EPR.
"Nous avons fait une première lecture des documents, avant de les
confier à des experts pour une analyse plus approfondie, mais il y a déjà des
choses très graves qui sont évidentes. Le problème semble provenir du système
de pilotage, qui doit permettre de moduler la puissance de réacteur pour
s'ajuster à la demande d'électricité. Ce système est prévu pour accroître la
rentabilité. Le souci, c'est que le nucléaire n'est pas du tout fait pour les
variations d'intensité, et que cela peut provoquer une perte de contrôle, un
emballement et un accident type Tchernobyl. C'est une vraie bombe, c'est très
explosif", poursuit la porte-parole.
CRS et policiers pour la conférence de presse
Elle précise par ailleurs qu'une
conférence de presse de Sortir du Nucléaire s'est déroulée "sous haute
vigilance" ce matin à Paris, place de Colombie. "On s'est
fait contrôler par les CRS quand toute la délégation est arrivée tout à l'heure
à 9h, et nous sommes maintenant entourés d'une douzaine de policiers
carapaçonnés. Ils n'ont pas envie que cela éclate."
Le réacteur EPR construit sur la centrale nucléaire de Flamanville (Manche)
pose "un sérieux risque d'accident majeur" de "type
Tchernobyl", a estimé samedi le réseau Sortir du nucléaire, sur la base de
documents confidentiels obtenus par une source anonyme interne à EDF, le futur
exploitant du site.
"Il semble (...) que la conception de l'EPR accroisse le risque d'un accident
de type Tchernobyl, qui entraînerait la destruction de l'enceinte de
confinement et la dispersion massive de radionucléides dans l'atmosphère",
a conclu le comité d'experts chargé par le réseau associatif d'étudier ces
documents.
Ces huit documents internes du groupe EDF, datés de 2004 à 2009, révèlent que
"l'essentiel des arguments en faveur de l'EPR (puissance, rendement,
diminution des déchets, sûreté accrue) s'avèrent faux", estime Sortir du
nucléaire, qui a mis ces documents en ligne sur son site internet.
"Certains modes de pilotage du réacteur EPR peuvent provoquer l'explosion
du réacteur à cause d'un accident d'éjection de grappes (ESG)", servant à
modérer la réaction nucléaire, précise le réseau.
"Calcul économique"
Sortir du nucléaire accuse EDF, futur exploitant de l'EPR de
Flamanville 3 (F3), de prendre des risques "pour des raisons de calcul économique".
Interrogée par Nouvelobs.com sur ces documents, Caroline Muller, responsable de
la communication chez EDF, assure qu'"il s'agit de documents de travail
comme il y en a énormément". "Il est tout à fait normal d'étudier le
fonctionnement et les réactions possible du réacteur, y compris dans les
circonstances les plus improbables. Nous nous devons de nous poser toutes les
questions. Et bien sûr de trouver les réponses", poursuit-elle.
Même son de cloche chez Areva, où l'on dénonce "des propos anxiogènes".
Et où l'on s'étonne que de tels documents "sortent à la veille d'une
conférence sur le nucléaire et à quelques jours des régionales".
Ces documents font "partie de nombreux documents de travail" qui
serviront à établir le rapport de sûreté final qui sera rendu à l'Autorité de
sureté nucléaire, afin de permettre d'achever la construction du réacteur.
"Nous remettrons dans quelques mois un rapport complet à l'ASN) qui
instruira le dossier. Nous sommes très confiants", conclut Caroline Muller
chez EDF. Une enquête interne a-t-elle été lancée pour retrouver la source qui
a divulgué les documents ? "Je n'ai pas d'éléments à ce sujet",
affirme encore la responsable de la communication.
"Marquer les esprits"
"Oui, il s'agit de documents de travail", répond Charlotte Mijeon à
Nouvelobs.com. "Mais ils s'échelonnent sur plusieurs années. Cela fait des
années que les ingénieurs d'EDF savent qu'il y a des problèmes, et ne trouvent
pas la parade… alors qu'il y a déjà deux EPR en construction."
Alors que Nicolas Sarkozy a inauguré la Conférence internationale sur l'énergie
nucléaire civile, Sortir du nucléaire estime qu'"il est scandaleux que la
France continue ainsi à faire la promotion du nucléaire en général, et de l'EPR
en particulier, alors même que la dangerosité de ce réacteur est
aujourd'hui démontrée". Le réseau appelle à l'abandon de la construction
de l'EPR en Finlande, en Chine et en France, à Flamanville (Manche) où le
premier EPR doit entrer en service en 2012, comme à Penly (Seine-Maritime), qui
devrait accueillir un second EPR cinq ans plus tard. "En sortant ces
documents ce week-end, notre but était de marquer les esprits avant la
conférence d'aujourd'hui à Paris, qui doit permettre au plus grand nombre de
pays d'accéder au nucléaire", affirme Charlotte Mijeon.
(Anne-Sophie Hojlo - Nouvelobs.com)