La Vidéo de la Journée:

http://www.dailymotion.com/video/xiuzrn_2011-05-21-etats-generaux-du-nucleaire_news

22 Mai 2011 Mediapart Jade Lindgaard

 Quelques sifflets fusent et l'orateur, Hervé Bramy, représentant du parti communiste, outré de la réaction de la salle quitte un instant son pupitre. Mais l'incident se clôt vite et il reprend la parole : « Si vous pensiez que j'allais vous dire que nous voulons sortir du nucléaire !» La salle pleine de la Bellevilloise venue suivre les états généraux du nucléaire du samedi 21 mai écoute mi amusée, mi énervée le conseiller général de la Seine-Saint Denis venu présenter la position de son organisation politique sur l'atome. La scène est drôle, d'autant plus que Bramy joue à fond le jeu du bougon raide - appelé à a tribune, pour venir y représenter le « parti communiste » il bougonne « français !»- mais en réalité elle n'est pas représentative de la tonalité de la journée. Car en fait, au sein de ces potentiels partenaires politiques, et c'est la surprise de cette journée organise à l'initiative d'Europe Ecologie (voir ici notre article), le travail de confrontation et d'élaboration a déjà commencé : la gauche entre dans l'après Fukushima, et commence à revoir sa doctrine sur le nucléaire.


Disons le net : avant l'accident nucléaire japonais, existait un accord plus ou moins tacite pour ne pas se déchirer sur le nucléaire. Voire même pour ne -presque- pas en parler. Le fantôme du Grenelle de l'environnement, et de son silence sur le sujet, planait samedi au-dessus des têtes de l'assemblée.

L'énergie nucléaire étant un sujet historique de controverses entre écologistes et productivistes, plus ou moins héritiers du marxisme, plus ou moins keynésiens, on pouvait s'attendre à un étalage sanglant de divisions. On assiste en fait à un compte-rendu d'étape de cogitations que l'on sent à la fois sincères et bordées de délicats consensus politiques. « Faut descendre de nos postures, on fréquente les mêmes experts » remarque Laurence Rossignol, chargé de l'environnement au PS. Après Fukushima, ses camarades de la rue de Solférino lui ont « un peu rappelé les communistes après la chute du mur, c'est la fin d'un mythe, le mythe de l'absence de risque du nucléaire ».

Comment avancer à partie de là ? En ne commençant pas par se demander si l'on est pour ou contre la sortie du nucléaire et à quelle échéance (huées dans la salle, riposte immédiate : « Eh non, il n'y a pas écrit la même chose que dans le programme des Verts... »). Mais en établissant de nouveaux axes de la politique énergétique : comment garantir l'accès de tous à l'énergie ?Quels investissements pour la transition énergétique ? Quelle politique tarifaire pour changer les comportements ? Ce n'est pas très loin de la méthode adoptée par Negawatt, l'association d'experts énergétiques qui a conçu (une nouvelle version est attendue pour cet automne) le scénario de référence des écologistes hexagonaux de transition énergétique.  « Nous voulons engager la sortie du nucléaire, explique la socialiste, mais le plus important ce n'est pas la date de cette sortie, c'est le contrat de gouvernement pour 2012-2017 ».

 C'est formulé différemment mais pas incompatible avec ce que défend Eva Joly, qui veut « faire de la sortie du nucléaire le point dur de notre accord de gouvernement », ou Nicolas Hulot pour qui « à partir de cet instant, l'objectif de sortie du nucléaire est immédiat ».

A leur gauche, les positions insistent sur l'enjeu d'un renforcement des services publics et de l'Etat. Et les désaccords se durcissent avec les précédents, mais forment un pôle idéologique cohérent : pour un service public de l'énergie, la renationalisation d'EDF, GDF-Suez et Total réclame Martine Billard, ancienne Verte, aujourd'hui au Parti de gauche, qui défend aussi la « plannification écologique », les relocalisations de la production et du traitement des déchets, ou encore la création d'un fond d'aide pour la transition énergétique et l'embauche des précaires sous statut EDF. Pour le NPA, Vincent Gay fait la peau du productivisme de la gauche, « une idée avec laquelle il faut rompre totalement ». Sa « révolution énergétique » passe par la sortie du nuclaire en dix ans, mais aussi la transformation des modes de chauffage et d'éclairage, des modes de production décentralisés, des unités plus petites, des régies locales, la gratuité des besoins de base, le transfert gratuit des technologies vers le sud...

Seul le PCF, donc, maintient son attachement au nucléaire : « Nous pensons qu'il faut maintenir du nucléaire dans le mix énergétique. Nous ne sommes pas convaincus qu'on peut garantir le droit à l'énergie pour tous et satisfaire les besoins sans nucléaire ». C'est criticable, contestable mais ce n'est pas qu'une position de principe. Le souci social des communistes devra être entendu par les tenants de la sortie de l'atome pour ne pas reproduire l'échec de la campagne pour la taxe carbone. Ce serait toute la vertu d'une discussion politique essentielle- quel modèle énergétique qui concilie justice climatique et justice sociale ?- qui pour se hisser à la hauteur des enjeux devra accepter que le pragmatisme n'empêche pas la radicalité.