« La réflexion sur le projet a été stoppée. Il y avait un calendrier, des dates potentielles, il n'y en a plus… La suite dépendra de décisions prises sur d'autres centrales nucléaires. Penly, c'est une question de besoin en énergie en France, c'est aussi une question politique : de quelle part d'électricité provenant du nucléaire veut-on disposer en France à l'horizon 2020-2030 ? », a déclaré M. de Margerie dans cet entretien qui permet d’éclairer des positions stratégiques en matière d’énergie. Ça donne un titre accrocheur au Monde et à Challenge, car écorner le prestige et la fierté nucléaire française commence à devenir à la mode ;-)

Eric Besson, lobbyiste sous-chef de l’atom’cratie, a beau démentir le PDG de Total en affirmant que le projet EPR de Penly continue, le calendrier et les faits plaident contre lui. Alors que la politique énergétique et la place du nucléaire deviennent un sujet de la prochaine présidentielle, post-Fukushima et dans l’attente d’un audit financier de la cour des comptes sur la filière nucléaire, on voit mal son patron Nicolas Sarkozy, signer une autorisation de construction avant le 31 mars 2012. Comme le souligne de Margerie, c’est une question politique et personne ne sait si Sarkozy sera encore là en mai 2012. Bref, l’EPR de Penly est devenu un projet virtuel, dont une éventuelle confirmation attendra le sort des urnes ;-).

Notons que l’atom’cratie fait tout ce qu’elle peut pour contrôler la décision politique. Ainsi, par arrêté du 28 avril et publié ce 4 mai au JO, on apprend que le « monsieur nucléaire » de l’administration, Thomas Branche, est nommé directeur adjoint du cabinet de Besson, ministre de l'Energie. Thomas Brache était jusqu’à présent chargé de préparer et mettre en œuvre les décisions du gouvernement relatives à la filière nucléaire à la DGEC. Il pourra maintenant agir directement auprès du politique, comme conseiller sur la politique énergétique de la France. Ça s’appelle une promotion atom’cratique pour maintenir le dogme vivant et actif au pus haut niveau...

Christophe de Margerie est un pragmatique visionnaire, qui ne fait pas qu’enterrer l’EPR de Penly. Il a mis en marche la montée en puissance de Total dans le secteur de l’énergie solaire juste après la catastrophe de Fukushima alors qu’il anticipait déjà le monde post peak oil. Son raisonnement est limpide : « Nous pensons qu'il n'y a pas assez d'énergie disponible. Et nous avons une responsabilité en termes de changement climatique. Ces deux sujets nous poussent à regarder d'autres énergies ». Post-Fukushima, Total va rester en veille active sur le nucléaire, « sans beaucoup investir, à l'inverse de ce que nous faisons sur le solaire ». Son analyse est que le secteur nucléaire est durablement impacté au niveau mondial, soit un secteur non prometteur à court et moyen terme. Exactement à l’inverse du secteur solaire, qui lui va exploser au niveau mondial. C’est pour cela que Total a fait une OPA sur la société américaine SunPower la semaine dernière, après avoir racheté 50 % de Tenesol à EDF pour contrôler la compagnie solaire française à 100 %.

Si de Margerie pouvait échanger avec messieurs Besson et Branche à propos de stratégie énergétique, peut-être la France pourrait-elle revoir sa politique solaire sans attendre l’automne 2012… Soit un bon conseil de businessman à des politiques irradiés qui font prendre du retard au pays!!!

Héloïm Sinclair ; 11/5/2011 Site : developpementdurable.com