Ouest-France Mercredi 18 mai 2011

Deux mois après le tsunami suivi d'une catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima, la vie des Japonais reste chaotique. Deux d'entre eux ont témoigné à Rennes, hier.

Fukushima ne fait plus la une des journaux télévisés. Mais la vie des ha­bitants de cette région japonaise reste prisonnière de l'hiver nucléaire. Deux mois après la catastrophe, l'existence de plusieurs centaines de milliers de Japonais reste précaire. Dans la ré­gion, 110000 personnes continuent à dormir dans des salles de sport ou des abris de fortune. Contraintes à se nourrir de repas froids. Sans soutien matériel ni information du gouvernement. Livrées à elles-mêmes. Un champ de ruines.

« Tepco et le gouvernement se renvoient la balle. Rien n'avance ", soupire Toshihide Kameta. Avec un autre paysan, Shimpei Murakami, il était à Rennes, hier, pour témoigner. Soutenus par les organisations agri­coles de leur pays, les deux hommes racontent le désastre. Ces quelques vêtements pris à la hâte et les champs laissés à l'abandon. Pour toujours.

« Changer de mode de vie" À 63 ans, Toshihide Kameta ne s'en remet pas. Cette terre, c'était celle de ses ancêtres « depuis 150 ans au moins ", glisse-t-il, avec un sourire amer. Et Minami-Soma, son village, sa petite patrie. Sur un petit lopin de terre - quatre hectares - il cultivait du riz et une quinzaine de variétés de légumes. Aujourd'hui, il vit réfugié dans un appartement, à une soixan­taine de kilomètres de là. L'un de ses amis n'a pas supporté et a préféré se donner la mort.

Tous deux racontent le silence des autorités et la confusion qui règne encore aujourd'hui. Ces écoliers contraints de rester dans leur salle de classe pour ne pas jouer sur des sols contaminés par les émanations nucléaires. La terre, d'abord enlevée dans des cours d'école, puis laissée en tas, faute d'avoir trouvé un terrain d'accueil.

« Le tsunami, c'est une catas­trophe naturelle. On la surmonte en s'entraidant. Aujourd'hui, nous vivons une autre catastrophe, humaine celle-ci ", ajoute-t-il en s'emportant contre le silence cou­pable des autorités. « Pas d'indemni­sation ", protestent-ils tous les deux.

Dans les exploitations agricoles, les factures continuent à courir, comme les emprunts contractés pour payer le bétail. Les légumes cultivés dans les quatre départements autour de la centrale sont interdits à la vente dans le reste du Japon. Mais ils continuent à être distribués dans les cantines scolaires.

« Aujourd'hui, nous avons une responsabilité vis à vis de nos enfants et de nos descendants ", estime Shimpei Murakami. « Sortir du nucléaire, bien sûr, mais aussi changer de mode de vie."

Patrice MOYO