Le 10e livre de Jean Ollivro, paru chez Apogée, prend toute sa saveur, alors que flambent les cours de l’or noir. L’auteur prend le pari que le renchérissement énergétique sera important et durable, avec un prix du baril multiplié par 2, 5, voire 10, d’ici 2012 ou 2015 . « Dans l'histoire de l'humanité, plus le coût de l'énergie augmente, plus le périmètre de la vie des gens se restreint », analyse le géographe qui se fait historien. Finies « les années 4X4 (qui) associent la dématérialisation de l’économie au règne d’une énergie bon marché ». Si la panne sèche n’est pas encore pour tout de suite, les trajets en voiture et en avion connaissent déjà un sérieux coup de frein. [...]

Nous voilà plongés en plein paradoxe avec des populations de plus en plus contraintes dans leurs navettes quotidiennes, mais de plus en plus libres dans les usages numériques. Sur la planète tout entière, les communications à distance explosent, la vie interactive se renforce. Nous vivons – ou subissons – la « mondialité », un mouvement qui mêle mondialisation, instantanéité et localité. Dans ce nouveau monde, « le nouveau capital est le temps, affirme le professeur de l’université européenne de Bretagne. Le mode de déplacement – et non de production – devient alors le fondement des inégalités sociales. » Développant le concept de « classes mobiles », Jean Ollivro explique comment, le renchérissement de l’énergie mécanique aidant, la hiérarchie sociale et économique se reconstruit selon la maîtrise des mobilités. Il s’attend à « un affaissement voire un effondrement des espaces métropolitains».

C’est, selon lui, le moment de revenir aux fondamentaux : « Loin de la seule relocalisation, la dynamique de reterritorialisation invite à une compréhension renforcée du lieu dans lequel on vit. » Il propose de libérer les économies régionales et locales et livre une boîte à outils pour « une économie de l’enracinement ». Et si Internet devenait le pivot de cette new economy, nouvelle version ? Avec quatre stratégies pour renouer avec les territoires, l’universitaire veut « concilier ancrage pour survivre économiquement et esprit d’ouverture pour éviter toute sclérose ». « L’économie des territoires sera l’économie de l’intelligence et des identités comprises », écrit-il. Aux décideurs de se saisir de ses propositions.

Ronan Le Flecher


Jean Ollivro est professeur à l’Université Européenne de Bretagne (Rennes 2 et Sciences-Po Rennes). Il est par ailleurs président de Bretagne Prospective. 

La Nouvelle économie des territoires, Jean Ollivro, éditions Apogée, 190 pages- ISBN 978-2-84398-381-8 - 19€.