Laurent Pinsolle - Blogueur associé Marianne | Vendredi 13 Mai 2011
Il est désormais probable que le processus de déconstruction de l’euro commencera à Athènes. Une réunion qui devait rester secrète s’est tenue au Luxembourg entre grands argentiers de l’Europe pour trouver des solutions à la situation inextricable de la Grèce, après le plan portugais.
Les déclarations de l’Allemagne il y a
quelques semaines laissaient présager une telle issue. En l’absence (heureuse)
d’euro-obligations, il faut trouver une solution au problème épineux posé par
la Grèce. Malgré des plans d’austérité extrêmement sévère, le pays n’est
parvenu qu’à réduire marginalement son déficit budgétaire en 2010 (10% du PIB
environ contre 12% en 2009, contre un objectif affiché de 8%). Bref, les plans
ne donnent pas les résultats escomptés.
Et cela était prévisible (même si, de manière prévisible également, la population ne se révolte pas encore contre
les potions amères imposées par le FMI et l’Europe). En effet, il était évident
qu’une telle austérité allait prolonger la récession de l’économie grecque, et,
se faisant, diminuer les recettes fiscales et augmenter les dépenses,
contrariant les plans d’austérité. Résultat, l’assainissement des finances est
très lent, détériorant une situation financière qui n’en a pas besoin.
Comme l’a très bien noté Yann, avec l’euro, qui interdit les
dévaluations, l’ajustement se fait par le chômage. La Grèce est rentrée dans
une spirale infernale du surendettement, en partie du fait qu’elle a trop
dépensé, mais aussi à cause de l’euro qui lui a offert pendant quelques années
des taux d’intérêt trop bas, qui ont favorisé un comportement trop laxiste.
Résultat, on se trouve dans une situation où l’enveloppe prévue il y a un an
sera insuffisante pour tenir jusqu’en 2013…
C’est bien ce que sera ce nouveau plan. Plus nous attendons, plus le problème
grossit et sera difficile à résoudre. Il a un an, la dette du pays
dépassait 110% du PIB. Au rythme où vont les choses, elle sera de 160% en 2013…
La Grèce, qui se retrouve dans une situation proche de celle de l’Argentine en 2001,
aurait besoin de deux choses : une restructuration de sa dette, trop lourde à
rembourser, et une dévaluation, pour regagner en compétitivité et équilibrer
ses échanges.
Car sans dévaluation, la restructuration serait insuffisante puisqu’il faut
aussi que le pays équilibre son commerce pour équilibrer sa balance des
paiements. Mais l’Europe refuse une telle issue car il
est évident que si la Grèce sort de l’euro, la spéculation se déchaînera et le
processus de décomposition de la monnaie unique sera enclenché. Pire,
parallèlement, devant leurs engagements ainsi que ceux de leurs banques, les
Etats freinent la restructuration.
Pourtant, les taux à dix ans indiquent que les marchés anticipent in fine un
abandon de 40% des créances aujourd’hui ! Seule une décision radicale
permettrait peut-être de calmer la situation mais personne n’est prêt
politiquement à permettre une telle restructuration, signe des vices de forme
de cette construction artificielle et mal conçue. Du
coup, les créances pourraient n’être qu’étaler, ce qui, encore une fois, ne
fera que repousser le problème, en le faisant grossir.
J’en profite pour vous signaler une analyse dénichée par Edgar. Paul Krugman a qualifié de « folie » la
hausse récente des taux de la BCE qui fait monter l’euro. Mais surtout, en
pointant que l’Espagne emprunte nettement plus cher que la Grande-Bretagne
alors qu’elle est moins endettée et que son déficit est beaucoup plus bas, il
en conclut que faire partie de l’euro entraine une prime de risque sur les
dettes du fait de l’impossibilité de dévaluer sa monnaie.
Passé un moment, le peuple ou le gouvernement de la Grèce finiront
par comprendre que l’euro fait partie du problème et non de la solution. Ils en
sortiront, dévalueront et restructureront leur dette. Il n’y a pas d’autres
solutions. La question n’est pas de savoir si cela arrivera mais quand.