Le 07 février 2011 par Ana Lutzky L'usine Nouvelle

Installations de La Hague 
Installations de La Hague

Les services de l'Etat ont prié le groupe nucléaire de revoir sa copie. Areva projetait de sous-traiter à Dalkia (filiale du groupe français Veolia à 66 %) la production et la distribution de l'énergie utilisée par l'usine de La Hague. Un groupement d'intérêt public Areva-Dalkia devait naître ce lundi pour une mise en marche des nouvelles installations en 2014.

Mais dans un courrier daté du 1er février, révélé lundi par le quotidien local La Presse de la Manche, un service de l'Etat dépendant du ministère de l'industrie a émis de « sérieux doutes sur la pérennité de la maîtrise de risques industriels ». L’usine de La Hague retraite les déchets nucléaires des 52 réacteurs français, et son approvisionnement énergétique est sensible. 

Dans son courrier, l'Etat fait part de ses de nombreuses inquiétudes sur ce projet, notamment en ce qui concerne la formation du personnel du sous-traitant. L'Etat craint qu'en cas de rupture de courant, la manipulation des matières radioactives n'ait plus lieu en toute sûreté.

Suite du 21 mars 2011 par Patrick Bottois (Normandie)

« Après avoir répondu aux questions de la Direccte [Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi] de Cherbourg qui nous avait contraints à suspendre en février dernier la création d’un groupement d’intérêt économique avec Dalkia, nous l’avons finalement créé le 10 mars dernier », affirme la direction d’Areva NC La Hague dans la Manche, site spécialisé dans le retraitement de déchets nucléaires. « La Direccte a pris acte de nos réponses. Celle-ci s’interrogeait sur les garanties de sécurité liées à la fourniture et la distribution de l’énergie sur ce site à risques par une entreprise extérieure et sur la compétence de ses personnels à le faire. »

 
Le GIE va maintenant préparer pour 2014 le transfert à Dalkia (filiale du groupe Veolia) de la production et de la distribution de l'énergie, gérée depuis toujours en interne. Un projet auquel les 61 salariés de ce service (sur 3 100) sont opposés.
 
Le projet comprend le financement et la construction par Dalkia trois chaudières à bois pour une capacité annuelle de 75 mégawatts et deux petites autres, électriques, de secours, un investissement de plusieurs dizaines de millions d’euros.
 
Dalkia assurera ensuite, dès 2014, l’exploitation de ces installations. Durant les travaux, les 61 salariés d’Areva devront former les salariés de Dalkia à leur nouvelle activité et aux spécificités du site. Après avoir transféré leurs compétences, les personnels d’Areva concernés, qui maintiennent toujours « que le temps de formation sera insuffisant vu la complexité de l’usine », pourront au choix être embauchés chez Dalkia ou rester chez Areva à de nouveaux postes.

Un article qui éclaire les enjeux de la Hague et de son approvisionnement énergétique.

Source AFP le 20 mars 2011

La catastrophe de Fukushima pose la question de la sûreté des piscines à combustibles nucléaires usagés, qui ne sont jamais pourvues d'enceintes de confinement, y compris à l'usine Areva de la Hague, ou d'énormes quantités de matière radioactives sont entreposées.

"La sûreté des piscines, c'est +la+ question après Fukushima. Aucune au monde n'est protégée par une enceinte de confinement" de la radioactivité, comme c'est le cas pour les réacteurs, souligne le physicien David Boilley, président de l'Association pour le contrôle de la radioactivité de l'Ouest.

A Fukushima, les Japonais se battent pour éviter que les combustibles des piscines des réacteurs 3 et 4 n'émergent de l'eau dont le niveau baisse en raison de l'évaporation, liée à la panne des systèmes de refroidissement.

Si le combustible dégradé se retrouvait à l'air libre, le rayonnement pourrait être tel qu'il risquerait d'interdire l'accès au site, où plusieurs autres réacteurs sont dans une situation critique.

Toutes les centrales nucléaires du monde disposent d'une piscine destinée à recueillir les combustibles irradiés.

Mais l'usine de retraitement d'Areva à la Hague, l'un des plus gros entrepôts de matière radioactive au monde, préoccupe particulièrement les écologistes, à commencer par Yannick Rousselet, chargé des questions nucléaire de Greenpeace France.

"C'est le site qui concentre le plus de radioactivité au monde. Soixante des 74 tonnes environs de plutonium recensées en France se trouvent à La Hague", affirme-t-il.

Toutefois, nuance Monique Sené, chercheuse au CNRS et co-fondatrice du Groupement des scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire (GSIEN), la nature des combustibles diffère de ceux d'une centrale.

"On aurait plus de temps pour agir à La Hague que pour les piscines de réacteurs car les combustibles y sont moins chauds. Mais si on échoue, c'est plus grave", souligne cette scientifique.

Seul pays au monde à produire plus de la moitié de son électricité (75%) avec le nucléaire, la France concentre la majeure partie de ses combustibles usagés dans les 48.000 m3 d'eau des piscines de la Hague, où travaillent 5.000 personnes. Celle du réacteur 4 de Fukushima ne fait que 1.000 m3.

En 2001, un rapport du cabinet Wise au Parlement européen évaluait à "67 fois Tchernobyl" les conséquences d'un attentat contre le site. Cela "semble exagéré", avait alors commenté l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Areva relativise aujourd'hui toute comparaison avec le drame de Fukushima.

"Nos combustibles ont passé un à deux ans dans les piscines des centrales avant d'arriver à La Hague. Ils sont dix fois moins chauds que ceux de Fukushima", argumente le directeur de la communication de l'usine, Christophe Neugnot.

Aussi, en cas de panne totale des systèmes de refroidissement et de secours, "il faudrait au moins une semaine" pour que les combustibles commencent à émerger, assure Areva qui souligne disposer d'une réserve de 250.000 m3 d'eau.

Le site, juché à 180 m d'altitude, est à l'abri d'un tsunami et le risque sismique, modéré, a été pris en compte, selon cette source.

Pour Mme Sené et M. Rousselet, le site n'est toutefois pas à l'abri d'une déficience technique et peut être exposé à une attaque terroriste.

Après le 11-Septembre, des lance-missiles avaient été positionnés durant plusieurs mois autour de l'usine pour parer à une éventuelle attaque par avion. Ce dispositif avait toutefois été rapidement levé, "le temps pour les militaires de prouver que si un gros porteur se déroute, un avion de chasse aurait vite fait" de l'intercepter, selon l'ASN.